Egaluantes
J’ai vu Fanny et Isabelle
Au milieu des autres…
J’ai vu Fanny et Isabelle
Au milieu des autres,
Et des marinières, par dizaines
Au palais de miroirs
Au théatre, au cinéma
Du jaune et du bleu, partout
Entre les transats,
Salle 1, salle 2,
Devant les food trucks,
Rue Holgate, et dans le froid,
Des egalues, par milliers.
Coucou Voilà
Exercice d’écriture - avec les mots des autres
Exercice d’atelier d’écriture : écrire avec les mots des autres.
Coucou voilà
Coucou voilà
Du feu dans les rouages
Coucou
Mon bateau de feu se fracasse contre la digue
Voilà
A l’ouest, il meurt de l’erreur de son capitaine
Coucou
Pas de Panique
Voilà
Dare
Le vide est là, devant nous..
Le vide est là, devant nous
Tu me tiens par les yeux
Nos jambes tremblent, mais les pieds avancent, car on a dit «oui ».
On nous regarde.
L’élastique sur le visage dessine un triangle.
Nous tenons bon, masquées, dans le vide.
Nous dansons lentement, les yeux grands, grands, immenses.
Dans la coulisse, nous respirons fort.
On se sourit vraiment.
Nous avons été courage.
On se sourit fort.
Lettre à une absente
Ça aurait pu être autrement
Ça aurait pu être autrement :
Deux jeunes femmes sur une plage
Un soir de joie, des histoires
Des petites, nappées de glace américaine
Et des difficiles, soutenues par la bière
Et l’espoir de comprendre notre rôle, dedans.
Les cheveux plaqués sur le front, les joues,
Nous aurions trituré le sable, dispersé
Les coquilles de coques et les manches à couteaux.
A côté de nos sacs vidés, vides au carré.
Avant la nuit, tu m’aurais laissé prendre
Une photo que j’aurais pu montrer
Chaque fois que j’aurais parlé de toi.
Mais je ne parle pas de toi.
Et je ne rêve plus de raconteries de bords de mer.
Dans le moteur de recherches, j’ai erré
Durant des années.
Dans les vidéos, les commentaires,
Je t’ai reconnue, mots tus
Et bouche cousue d’alcool.
Pour m’apaiser, je me prends pour Chihiro.
Je te donne une petite boule amère
Et tu vomis ta souffrance
Dans une purge spectaculaire et définitive.
Nous prenons le train qui roule sur l’eau et,
Comme dans le film, on regarde en silence
Défiler les îlots et les stations.
Dans la nuit, nous trouvons ton abri.
Ton visage d’avant les jours mauvais devient flou.
La dernière fois que je t’ai vue, tu flottais
Dans une énorme doudoune noire.
J’ai pensé que tu ne devais plus avoir beaucoup d’amis.
Je me suis demandée qui te fournissait, et comment tu payais.
Ton nuage noir me suit partout, surtout les soirs de joie.
Tu es devenue un membre fantôme,
Une vibration désagréable dans mon ventre,
Un regret violent, inacceptable.
Maman disait que le lierre, sur le séquoi
L’empêche de respirer.
Qu’il faut l’arracher
Avant qu’il ne durcisse et n’atteigne le houpier.
Pour Papa, le lierre est un allié qui protège
Du froid et des parasites.
Ses crampons sont indolores
Et la cohabitation possible
Même s’il alourdit le séquoia.
Je ne sais pas qui des deux a raison.
J’ai laissé un genre de lierre m’envahir.
Ça pourrait être autrement.
Concours d’ecriture - CCAS de Saint-Lo.
Velours
Il est joli mon manteau de velours.
Il est joli mon manteau de velours.
Il est vert foncé, couleur sapin.
C’est très doux dedans, dessus aussi.
Je suis un gros chat et une princesse.
Ce manteau vient de Paris, c’est écrit sur l’étiquette. Avant moi, il était occupé par ma copine, qui a grandi vite.
J’aime sortir mes mains de mes poches pour caresser mon pelage. Je suis une montagne de douceur.
Il est un peu grand pour moi ce manteau.
Il m’écrase un peu. Mais j’aime sentir son poids sur mes épaules.
Je suis intouchable
Le carillon (texte pour Aurélie Challes)
Elle repose ici, la première des matières.
Sous le vert Granny Smith de l’herbe, à portée de mains.
On la prélève sans machine, doucement, avec un ami.
Argilla Terra
Dans le chalet, à l’abri de la vitesse et des devoirs, on façonne, à sa façon. On touche, ajoute, regarde la terre prendre forme, toutes les formes. On tourne volontiers autour du pot, regarde par la fenêtre, retouche, sans modèle. Ici, on peut sculpter le sauvage, et voir apparaitre, sous les doigts d’Aurélie, des pots ventrus aux toutes petites anses, des méduses aux longues tentacules cagneuses, des vases sur pieds, avec ou sans épines, des memento mori d’une infinie délicatesse, des coupes puissantes aux couleurs mêlées de reflets dorés...
On touche ce qui ressemble à du lichen, ou du métal, et c’est de la terre. On voit des bleus, des verts qui semblent rester en mouvement, ne jamais se figer. C’est sans doute ce qui me touche le plus dans cette recherche : la lumière des couleurs glissant sur une terre sombre, irrégulière, pour partie texturée, pour partie nue, brute.
La terre n’est alors plus seulement un sol, que l’on creuse, laboure, piétine les jours de pluie.
C’est le lieu de l’expérience et de l’audace, de la métamorphose et du feu.
Entre les mains d’Aurélie, les œuvres d’argile nous rappellent que la beauté, « le degré d’art de plus», ne résident pas dans le prêt-à-plaire, mais dans les aspérités, la liberté du geste, la fragilité de l’empreinte laissée.
www.aureliechalles.com
Telepathe
Ses habitudes me rassurent autant qu’elles me rembrunissent.
Elle regarde un égyptien, dans le poste, depuis longtemps déjà
On est mieux accepté une fois télévisé, peut-être.
Empathie télépathie
Elle regarde l’égyptien, chante avec lui, jusqu’au journal du réel.
La télé-cheminée ne réchauffe pas.
A demain l’égyptien.
Face à un homme silencieux
Nous avons pris rendez-vous. 8 avril. Une journée pour se parler.
J’arriverai vers 10H. Nous marcherons depuis la maison jusqu’à la plage.
Après déjeuner, nous irons essayer de parler sur une autre plage, un râteau à la main.
Il n’osera pas me poser LA question. Je n’oserai pas l’aider à la poser.
Nous ramasserons en silence nos coquillages. Nous nous féliciterons de notre collecte.
Avant de se quitter, nous essayerons une dernière fois de nous dire quelque chose d’important. Nous nous donnerons du courage, une bière à la main.
Il me raccompagnera à la voiture. Je lui dirai, après avoir longuement hésité, que c’était une belle journée. Je le regarderai partir. J’attendrai quelques minutes, au cas où il rebrousserait chemin pour dire.
Il est parti. Nous ne nous parlerons pas aujourd’hui.
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Je vais essayer de répondre à ta question.
C’est une question très difficile et un peu injuste. On ne demande pas à celles qui en ont pourquoi elles en ont.
Je vais essayer de te répondre. Même si, au fonds, ta question a moins pour but de comprendre que de savoir : en aura-t-elle ou pas ?
Je pourrais laisser le temps travailler pour moi. Un genre de réponse automatique.
Mais cette question m’obsède aussi.
Les croyances et les attentes qu’elle contient me paralysent.
Elle me plonge dans les sables mouvants. Il me faut dire, et même contredire, pour m’extraire.
Pourquoi ne l’ai-je pas moi, ce désir ? Je ne veux pas me distinguer. Pourquoi est-ce plus grave pour moi que pour V, à qui l’on ne demande rien ?
Tu veux être grand-père.
Tu l’es déjà.
Tu dis : les autres ont plusieurs petits-enfants.
Tu dis : et puis c’est le sens de la vie… il faut transmettre.
Tu as eu ma réponse. Tu es triste et déçu et je suis de sable revêtue.