La femme dévorée
Vincent était venu là par hasard. Serge lui avait parlé de cette expo, c’était inédit ce genre de happening, c’était forcément bien.
Il a fait la queue, pris son ticket, a trouvé ca cher, mais c’était inédit. 20 minutes plus tard, il a pu approcher la première porte. Il a étiré son cou, n’a rien vu, a attendu encore. Il a pensé a son dîner, au retour. Sans doute des petits pois à la française. Avec du lard bien frais. Il aime bien ça.
La porte s’ouvre. Le troupeau trotte jusque la porte qui mène a l’installation. C’est un peu long tout de même. Les visiteurs entrent par paquets de dix.
Le tableau est gigantesque : il fait plusieurs mètres de large. Des escaliers sont disposés de part et d’autre. Des gens grimpent, encordés, au-dessus de la toile, et prélèvent, petite cuillère a la main, un peu de la matière.
La main gauche est déjà grignotée. Du chien, il ne reste qu’une patte. La femme au centre du tableau se laisser manger, l’air résigné. Depuis la cabine, le peintre contemple la dévoration collective.
Vincent n’a le droit qu’a une bouchée, il doit bien choisir. Un petit groupe s’attaque au téton, qui disparaît peu à peu. Vincent choisit de goûter un minuscule morceau de l’écharpe noire qui coule sur la poitrine de la femme. Il mastique, lèche sa cuillère qu’il plie et range dans la poche de sa veste en velours. Ce petit carré noir n’a aucun goût. Ou plutôt il n’a rien de commun avec ce qu’il connaît déjà. Il descend de la plateforme qui mène au visage creusé façon melon . Le temps est écoulé. Elle était belle cette femme qui attend sa faim.
Exercice d’atelier d’écriture à partir d’un tableau et de la locution « femme dévorée ». Claire Larquemain Ecriture.